Mohamed Loakira
Marrakech: l’Île Mirage
Née du recul du désert
de l’ascension des traces
de l’impact
Née de la blessure de l’errance
des pierres sobres de l’Atlas
de l’émergence
Née de la fugue aquatique
aux repères intransigeants
du galet
du geste aux mille virginités
de la fascination de l’éternité
Nourrie de la promesse poétique
et de la plasticité de l’écho
Ma vile
Amalgame géologique
où mes racines s’emboîtent
se dressent
étalon pur sang
le jour de fête
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… et née aussi du souci glacial
du portier
de l’insomnie des chevaux
de la sécheresse de l’abreuvoir
du siège
Née des souvenirs tumulaires
évoqués lors des apartés fougueux
d’intrigues
de rançons
de sang
née aussi de la soumission
matinale
de la sueur outragée
de l’écrasement des bourgeons
de la terre battue
des chardons
oui née du sang
et de la chevelure suspendue
en ricochet
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Sédentaires sont mes caravanes
et la soif ruisselle
dense abondante
Cartel de sang
Cartel de larmes
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Touchée par la grâce
au seuil de notre millénaire finissant
auréole de lumière
miroitant les reflets insulaires
tu fus donnée en offrande au guerrier
natif du désert
Aigle
avide de liberté et d’espace
svelte
chevelu
au regard perçant
pour bénir l’épée qui pourfend
l’épaisse poussière
l’oeil qui perce
la frénésie des confluents des sources
en sourdine
coulant
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sous l’étendue de cette plaine frondeuse
d’apparence
aride
farfelue
Aussi rappeler l’abnégation et l’endurance
des montures
sous le vol jubilatoire des oiseaux de proie
quand le reste des barques brûlées
jadis
se dresse
en muraille
et rien que la folie des mers en face
Mais point de déshérence
Fidèles à l’élan des entrailles
ces montures ont servi
d’autres hommes
d’autres dynasties
ont porté si loin la parole
l’étendard
L’arabesque le baldaquin des trônes
et le mouvement des lettres onduleusement
partant de la droite
Alors qu’importent les convoitises les subtiles enchères
les subterfuges les traîtrises impunies qu’importent
l’emprunt et l’originel
la crainte des mémoires
le murmure des charniers
un nom se meurt
l’autre déjà le pied à l’étrier
les alliances l’émigration giratoire du noyau
Qu’importe
ces montures avancent
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Subjuguées par la règne des étoiles
l’orgueil du début des temps
elles avancent
vont au-delà des lisières sournoises
au-delà de l’ombre du doigt
du guerrier
pointant l’extrême mystère à dévoiler
ne dorment que pour fouler des confins
dont aucun livre ne décrit l’existence
Le gel
ni la brume engorgée d’écailles
ni les vents aigres et impudents
ni le soleil
à sa guise
se levant
se couchant
n’arrivent à désaccorder leur cadence
Les montures en colonnes avancent
ratissent large
agrippent l’horizon par les commissures
au-dessus des vagues déchainées
Grand ouvert si le départ s’annonce
tel le destin
échoue
ligne écornée sur le front
au plus fort de la rage
Déluge de feux de flammes
Fracas de sabots d’armes
Sang brouillant les démarcations et les sillages
les montures avancent
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Plus la mer s’éloigne
Plus la marée haute conduit à l’ivresse
…or tu es toujours là
ciselée à même l’entendement séculaire
apaisant l’emportement de tes abords
allant de l’avant
quoique émiettés par l’entêtement du ressac
et le désarroi du figuier cherchant
vainement
l’ombre de sa solitude
Diaphane
tu te déhanches
couvrant avec humilité et constance
la dissidence
de la croisée des chemins
…et je t’appartiens
porte les stigmates des balbutiements
des premières pierres
de tes fondations
des premières racines
de ton errance
des premières fibres
de ton métissage
accourues à travers rocs dunes et grand large
pour faire corps avec ton unité composée
dès le premier cri
de ta naissance
foisonnent les rythmes les tons les nuances
du clin d’oeil
s’enflamment les claquements des mains et des pieds
venus en pèlerinage
de toutes parts
le corps simule les feintes des notes
éparpillées le long des transes
où cohabitant
les tailles les regards les tresses
les lèvres charnues ou en Coeur
finement dessinées
…et la nonchalance de l’accent
le verbe aiguisé
retournant l’éclat en dérision
tu les protégés
par l’insouciance de tes retenues
car purifiés dans les rivières en contrebas
de tes remparts
les branches non-entremêlées manquent
semble-t-il
de saveur
Tu es toujours là
Bien-aimée
ouvrant le portail à l’extrême
tu accueilles
les gueux les saints les orphelins
et les malfaiteurs repentis
Tu les nourris
un souffle du désert
de l’appel constant de l’océan
Tu fus le Royaume de la convergence
des points cardinaux
la mire de tous les sens
Tu es la Merveille
qu’aucune merveille à travers les âges
ne saura égaler tes marges
où les sentiers éperdus de passion
âprement altiers
disputant la grâce
au feu sacré